Des experts de l’ONU condamne la France sur l’interdiction du niqab considérée comme portant atteinte à la liberté de religion
Le 23 octobre 2018, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a rendu deux décisions (CCPR/C/123/D/2747/2016 et CCPR/C/123/D/2807/2016) condamnant la France sur l’interdiction du niqab, considérée comme portant atteinte à la liberté de religion.,Pour rappel ce comité, dont le Président actuel est Monsieur Yuval Shany, est composé de 18 experts indépendants chargé de surveiller la mise en oeuvre et le respect du Pacte International des droits civils et politiques.
Après avoir été saisis de deux plaintes de deux françaises qui s’étaient vues poursuivies et condamnées pour avoir porté le niqab en public, les experts reprennent la France concernant la discrimination d’un groupe en raison de son appartenance et de sa pratique religieuse.
La France a adopté en 2010 une loi stipulant que “Nul ne peut porter, dans l’espace public, des vêtements destinés à dissimuler le visage”. Le Comité a été d’avis que cette disposition à caractère pénale porte « atteinte de manière disproportionnée au droit de librement manifester » sa religion ajoutant que « la France n’a pas suffisamment expliqué en quoi l’interdiction du port de ce vêtement était nécessaire ».
Malgré les arguments de l’État « selon lesquels l’interdiction de dissimuler le visage était nécessaire et proportionnée pour des raisons de sécurité et visait à assurer le respect du principe du “vivre ensemble” dans la société », le comité a estimé que l’interdiction généralisée du niqab était une mesure trop radicale qui ne « protégeait » pas les femmes mais qui avait pour effet de « les marginaliser en les confinant chez elles en leur fermant l’accès aux services publics ».
Le Président du comité à souligné que les décisions (niqab) : « ne portent pas atteinte au principe de laïcité et ne visent pas à promouvoir une coutume, que nombreux au sein du Comité, y compris moi-même, considérons comme une forme d’oppression contre les femmes. Il a expliqué au contraire que ces décisions représentent la position du Comité selon laquelle une interdiction généralisée à caractère pénal ne permet pas d’assurer un équilibre raisonnable entre l’intérêt général et les libertés individuelles. »
Le comité avait déjà constaté une violation de la liberté religieuse d’une ex-employée d’une crèche en août 2018
Le Comité des droits de l’homme avait déjà constaté dans une décision ( CCPR/C/123/D/2662/2) une violation de la liberté religieuse d’une ex-employée de la crèche Baby-Loup, située à Chanteloup-les-Vignes, licenciée en août 2008 pour avoir « violé la politique du centre interdisant le port du voile islamique ».
Ce dernier avait, en effet, estimé que « le droit de l’employée à librement exprimer ses convictions religieuses » avait été violé ajoutant qu’elle avait a été victime d’une discrimination intersectionnelle basée sur le genre et la religion. Le Comité a été également d’avis que la politique de la crèche qui s’oppose à ce que de jeunes enfants soient éduqués par des femmes portant le voile pouvait conduire à la “stigmatisation d’une communauté religieuse”.
Le Comité indiquait également que la France a l’obligation, en sa qualité d’État partie, de « respecter en toute bonne foi les obligations qui découlent du Pacte et de son Protocole facultatif ».
Le président du Comité, s’appuyant sur l’article 18 du Pacte international des droits civils et politiques protégeant la liberté de conscience, a précisé que “Ces décisions ne portent pas atteinte au principe de laïcité et ne visent pas à promouvoir une coutume ». 1
Ces décisions, sans précédent, sont les deux premières prises suite à des plaintes provenant de citoyens français et le comité attend d’ores et déjà que la France se positionne dans les 180 jours à venir sur les mesures prises afin de mettre en œuvre sa décision, concernant notamment la compensation des plaignantes et la prise de mesures visant à éviter que des cas similaires se reproduisent à l’avenir, y compris en révisant la loi incriminée.
ADM salut les décisions du Comité des droits de l’homme qui arrivent à point nommé, dans un contexte exacerbé par des tensions et des discours antimusulmans sur les médias. Cette disposition à caractère pénale, adoptée par la France, encourage, en effet, le racisme antimusulman et marginalise une partie de la population en raison de son appartenance religieuse.
Nous rappelons que la Déclaration Universelle des droits de l’homme et le Pacte internationnal relatif aux droits civils et politiques ont été adoptés suite aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Depuis lors, la France a constamment occupé une place de premier rang quant à la protection et au respect de ces droits les plus fondamentaux. Dans un monde de plus en plus instable, seul le respect de ces derniers viendra à bout des conflits.
Cela n’est pas sans nous rappeler ce que le Haut-commissaire, Monsieur Zeid Ra’ad Al-Hussein, a pu dire au court de son mandat aux Nations Unies : « Les violations des droits de l’homme d’aujourd’hui sont les conflits de demain ».
ADM Action Droits des Musulmans
1 France : l’interdiction du niqab viole la liberté de religion de deux musulmanes GENEVE. (23 octobre 2018)
25 octobre 2018
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